« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre d’années », dit le poète. Et c’est bien le cas de Victoire, jeune modéliste de Goma, dans l’est de la RDC. Né le 20 mai de l’an 2000, il est le promoteur de la marque « Baruvi », trois syllabes pour donner du rayonnement à son identité : BAkunzi RUdatinya VIctoire. Son histoire est celle d’un jeune homme atypique, qui a « cassé le stylo » pour embrasser le style avec l’ambition de devenir le plus grand habilleur de son temps.

Tout commence avec le « lock-down » de COVID au premier trimestre 2020. Le jeune Bakunzi est inscrit en faculté de droit de l’université de Goma depuis 3 mois, après un diplôme en pédagogie générale obtenu à l’Institut Sebyera. Les mesures sanitaires prises alors arrêtent net toutes les activités et tout espoir de reprise imminente. Il s’en souvient : « ce moment de break a été long, entre temps je galerais fort vu qu’il n’y avait point d’occasions pour commander des costumes. »

Cela contrarie Victoire qui a toujours voulu aller vite, plus vite, comme celui qui danse avant la musique, au point de casser avec les codes de cet autre art qu’il pratique, le piano, dans le groupe musical de son église. A la reprise des cours, il est déjà passé à autre chose. « J’étais déjà ailleurs, je ne pensais plus qu’à mon business, et à l’œuvre de Dieu. Je n’ai plus voulu rentrer à l’université comme les autres. J’ai plutôt préféré rester focus sur comment faire émerger mon business vu les moments très durs qui venaient de passer », raconte-t-il.

« Baruvi » prend ses marques. Aujourd’hui, son rêve se matérialise dans une boutique située dans la toute nouvelle galerie marchande de la gare routière de Goma, sur le boulevard Kanyamuhanga, les Champs-Elysées de la ville aux 3 volcans. Des costumes et des tuniques africaines prêt-à-porter trônent sur les penderies dans un décor coloré. Mais la particularité de la maison, c’est le sur-mesure dont elle se fait le point fort. Des costumes deux, trois pièces, des tuniques africaines et chemises longues se partagent le showroom. Ce qui frappe, c’est l’étiquette que l’on montre : « BARUVI ». Elle est bien présente sur le col des vestes, sur les housses à costumes et partout dans le magasin. Tout au fond du show-room, derrière les rayons bigarrés, s’ouvre le bureau du directeur. Une frêle silhouette dépasse d’une tête d’éphèbe à peine sortie de l’adolescence, mais déjà sérieux comme un pape. Il en a l’allure derrière ses montures de lunettes à moitié carré et arrondies comme Malcolm X. Et ses yeux perçants charrient de l’ambition, l’envie de celui qui en veut toujours plus.

Baruvi, 22 ans, taille patron

Le roman de sa vie délivre des traits qui se lisent avec passion. Il y a à peine quelques trois ans, il n’était qu’un couturier dans la rue, quand il décide de fonder sa marque et de proposer aux habitants de la ville ses créations. Son ambition est de trouver sa place dans les garde-robes des Gomatraciens connus comme friands des cérémonies de mariages pompeux plusieurs jours dans la semaine. Il se dit que s’il peut ne serait-ce qu’obtenir une part de ce marché qui se nourrit des importations d’Asie, il pourrait gagner sa vie. L’idée est claire, mais les moyens sont rares. Il n’a ni ciseaux, ni machines à coudre, juste un mètre ruban et des idées pleines dans la tête. Il doit en attendant se contenter de sous-traiter les commandes dans les ateliers de couture des autres tailleurs. Cela ne l’empêche pas de lancer des créations originales dont raffolent ses clients. Et fort heureusement, il est comme touché par la grâce. La plupart lui font confiance au point où certains acceptent parfois de se faire prélever des mesures à la sauvette dans le premier shop où ils se rencontrent. Plutôt satisfaits, ils donnent sa chance au jeune homme par pitié ou par instinct altruiste.

Dans l’entre-temps, Victoire se construit et se déploie. Il enchaîne des concours d’entrepreneuriat, remporte des prix et des trophées. En 2021, arrive le Concours des plans d’affaires jeunes entrepreneurs et porteurs de projets que le gouvernement ouvre avec le PADMPME. Il s’agit de soutenir notamment la création et le développement d’entreprises des jeunes. Une opportunité que ne rate pas Baruvi, lauréat avec 960 autres jeunes sélectionnés dans les villes de Kinshasa, Matadi, Lubumbashi et Goma sur un total de plus de 7000 candidats au départ. Ce programme soutenu par la Banque mondiale implémente une combinaison d’interventions techniques et financières en faveur de la croissance des PME. Des formations en entrepreneuriat et en management, voire en sauvegardes environnementales et en élaboration des plans d’affaires sont offertes aux récipiendaires en plus du coaching et du mentoring. Une aubaine pour Victoire Bakunzi qui capitalise tout pour donner corps à son rêve. La subvention non-remboursable qu’il reçoit lui permet d’investir dans les équipements, mais aussi de se doter d’un atelier de production ainsi que d’une boutique dans le meilleur quartier marchand de sa ville. Dans la foulée, il recrute aussi de la main-d’œuvre pour l’accompagner, 6 emplois stables enregistrés à la CNSS, INPP, DGI et ONEM. Et c’est le départ pour la professionnalisation. Notre modéliste itinérant d’hier devient le patron d’une entreprise prometteuse et citoyenne qui sait maintenant calculer ses coûts, développer son chiffre d’affaires et payer les salaires de ses employés et les impôts. Le tout, à 22 ans seulement.

 

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Soutenir la croissance des MPME, Accroître les possibilités d'emploi et d'entrepreneuriat pour les Jeunes.
 

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